Viager La Baule

La justice vient d’annuler une vente conclue en 2017 à La Baule entre une nonagénaire malade et un médecin.

C’est un peu l’histoire du film «Le viager» à l’envers, mais dans les deux cas cela se finit mal pour l’acheteur. À l’inverse du célèbre film de Pierre Tchernia où le vendeur survit à ses acheteurs, dans cette affaire qui s’est déroulée à La Baule, la vendeuse de 90 ans est décédée seulement 6 jours après avoir cédé en viager son appartement de 66 m² situé dans les quartiers les plus prisés de la ville. Les faits remontent à 2017, comme le rapporte le quotidien Ouest-France qui a suivi les rebondissements judiciaires de cette transaction.

Il se trouve que la vendeuse était malade du pancréas et que son logement du boulevard Hennecart avec vue sur la mer est situé dans l’un des secteurs les plus recherchés de la ville et vaudrait près de 600.000 euros selon l’avocat cité par Ouest France et qui représente les intérêts du fils de la vendeuse. Le site d’évaluation immobilière MeilleursAgents est un peu moins gourmand mais estime actuellement les prix à cette adresse entre 5000 et 10.000 euros avec un prix moyen à 6616 €/m². Mais il est vrai qu’avec sa vue mer, il se situe dans le haut de la fourchette et selon les données officielles du site DVF (Demandes de valeurs foncières), une vente en 2017 qui coïncinde en tout point avec ce logement (date, adresse, surface) s’était conclue avec une valorisation globale de 500.000 euros et on note d’autres transactions à 8000€/m² voire plus à cette adresse.

Trois hospitalisations entre la promesse et la vente

Sauf que l’acheteur, un médecin qui a eu vent des projets de vente de la nonagénaire par l’une de ses meilleures amies, n’a déboursé pour cette transaction que le «bouquet» de la vente, le gros versement initial, soit 208.000 euros. La promesse de vente avait été signée le 23 août et la rente mensuelle, celle que l’acheteur devrait verser tant que la vendeuse est en vie, avait été fixée de son côté à 3000 euros. Et durant toute cette période , la vendeuse conserverait la jouissance de son bien.

La vieille dame n’en a malheureusement pas eu beaucoup l’occasion. Sa maladie chronique l’a obligée à trois hospitalisations entre la signature de la promesse et la vente définitive. Celle-ci est réalisée le 3 novembre, un peu plus de deux semaines après la sortie d’hôpital de la vendeuse. À peine deux jours après la transaction, son état de santé se dégrade et elle décède finalement le 9 novembre.

La justice est immédiatement saisie par le fils de la vieille dame, s’appuyant sur une disposition du Code civil stipulant que si un vendeur vient à mourir dans les vingt jours d’une vente viagère, d’une maladie qu’il subissait déjà, alors, la vente est nulle. Le tribunal de Saint-Nazaire, lui donne tort dans un premier temps, estimant que le délai de vingt jours court à compter de la promesse de vente, donc du mois d’août. Mais l’avocat du fils fait appel, rappelant une autre condition pour qu’un viager soit valide: il faut qu’il existe un «aléa» sur la durée de vie du vendeur. Or, selon lui, la nonagénaire était condamnée à brève échéance. Argument retenu par la cour d’appel de Rennes qui a cassé la vente en septembre et a ordonné au médecin de rendre les clés au fils, sous astreinte de 100 € par jour de retard. L’acquéreur pourrait éventuellement se pourvoir en cassation.

Rappelons que dans les procédures de démembrement de propriété, lorsque l’on cède en général à ses proches la nue-propriété d’un bien pour n’en conserver que l’usufruit, la justice prévoit aussi un délai minimal entre la conclusion de l’acte et le décès du donataire. Le Code général des impôts précise que cette donation est fictive si le donataire meurt moins de trois mois avant la donation, pour éviter les stratégies de contournement des droits de succession.

Le Figaro immobilier, publié le 10/12/2020

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